Docteur ! la Grèce vient de faire une attaque (de marchés). Je suis très inquiet. Qu'est-ce qu'on fait ? On la couvre, on la protège ?
La protéger ? Des "marchés" ? Certainement pas ! C'est de la finance ! On n'y touche sur-tout-pas : c'est très mal élevé ! Et de toute façon, si le patient est malade, c'est que son sang est trop riche.
Alors d'abord, on va lui faire passer la tête dans un grand nœud coulant. Ça y est ? Bon, il n'y a plus qu'à tirer maintenant. Ils se débattent ? C'est normal au début. C'est d'ailleurs pour ça qu'il faut les étouffer : pour qu'ils ne se débattent plus. J'en ai vu d'autres - et des coriaces : on va bien voir si les Grecs sont plus forts que les Argentins, les Baltes ou tous les autres qu'on a fait bénéficier de ce traitement récemment.
Quand ils commenceront à étouffer, ils se mettront sur le dos et nous pourrons passer au remède proprement dit. C'est un remède simple et efficace. Molière en parle déjà dans le malade imaginaire : la saignée.
Le malade est faible ? C'est qu'il faut lui faire une saignée ! Affaiblissons-le encore et ça ira mieux. Vous ne pouvez pas comprendre : c'est de l'économie. Et quand il sera bien exsangue, vous allez voir, ça repartira. C'est to-to-ma-tique. Quand on touche le fond, on ne peut que remonter, non ? Après, on appelle ça le miracle Grec et hop ! le tour est joué.
Et les gens ? C'est quoi, ça, "les gens" ? Les Grecs ? Ah oui ! ce genre de choses... c'est comme des sortes de Chiliens, non ? Et bien ça ne compte pas, en fait. On les saigne, c'est tout : on coupe dans les budgets sociaux, les retraites, le chômage, comme ça le peuple mange moins et il redevient gentil, comme sous Pinochet. L'argent économisé, on le donne aux "marchés" ou à l'armée pour qu'ils continuent à nous acheter des armes.
Il risque d'y avoir de petites poussées de fièvre au début mais c'est normal, c'est juste les "gens" - comme vous dites - qui se défendent... mais ça s'arrête vite.
Et sinon, dans de très rares cas, il peut y avoir une allergie au traitement avec, genre, un salaud de gauchiste au pouvoir, comme en Bolivie mais, en général, on finit par l'avoir. Dans ces cas-là, il vaut mieux se passer de démocratie, hein.
Si j'ai entendu parler du nouveau traitement à base d'Europe ? L'eurothérapie ? Non. Ça n'est pas au point, ce genre de truc. Et puis pour ça, il faut une vraie équipe médicale avec de vrais hommes / femmes d'état, vous comprenez ? Pas des politicien(ne)s. Il faut des gens qui aient une vision qui va au delà des prochaines échéances électorales et au delà des frontières. C'est des ingrédients rares. Et puis moi, avec ce genre de traitement, je ne gagne pas ma vie, vous comprenez.
Une dernière chose, faites attention : l'attaque (de marchés) est une maladie très contagieuse, ce qui est normal puisque les agents spéculatifs sont toujours en activité et hors de contrôle dans notre environnement libéral... et je vous remets en garde : surtout n'essayez pas de contrôler les marchés, hein, ça ne se fait pas ! C'est comme ça. C'est tout.
Par contre, surveillez bien le Portugal. ou l'Espagne. Ou vous-même.
Et l'Irlande ? Non, il ne lui arrivera rien : c'est un paradis fiscal, ils sont immunisés.
Voilà, je vais y aller. Combien vous me devez ? Mais rien du tout. Ne vous inquiétez pas.
Les Grecs vont payer.