Ils se rapprochent. Les Rouges arrivent. Les journalistes. La meute immonde. Ils sont tout proches du bunker. Je les entends. C’est de la vermine J’avais raison : « ce sont des nullards, il faut leur cracher à la gueule, il faut leur marcher dessus, les écraser. » Ils me haïssent.
C’est parce que j’ai réussi. Parce que je suis né dans les bidonvilles de Neuilly. Parce que j’ai redoublé ma sixième. Ils sont jaloux de ma réussite. Ils veulent me faire payer. Ils ne m’ont jamais pardonné d’avoir rendu son espace vital au Grand Peuple Droitier. Tout est foutu. La propagande ne prend plus. Nos braves slogans sont fatigués. La blitzkrieg médiatique n’enfonce plus les lignes de leurs articles. La guerre de mouvement ne les surprend plus.
Les nouvelles du front Woerth, à l’est, sont chaque jour plus mauvaises. Les Rouges continuent de progresser, et leurs armées de journalistes trotskistes avec eux. Ils ont bloqué toutes mes réformes. La bataille contre l’insécurité s’enlise. Les heures supplémentaires sont un échec. Les emplois fuient à l’étranger. La dernière offensive sur l’insécurité piétine. Le peuple est contre ma réforme des retraites. Pourtant, mes meilleurs généraux sont là : Lefèbvre, Estrosi, Hortefeux, Besson. Tous des incapables.
Les Rouges nous bombardent désormais avec de vrais chiffres. Ils nous pilonnent avec de vrais sondages ? Comment ont-ils fait pour résister aux nôtres ? Pourquoi ne lâchent-ils pas Woerth ? Pourquoi continuent-ils à attaquer le bouclier fiscal ? Les réformes allaient marcher. Le peuple était avec moi. Il croyait ce que je lui disais. Et ça aurait fini par marcher parce que, pour le peuple, « dire, c’est faire. »
Maintenant, les membres de mon propre camp me critiquent ouvertement. La cinquième colonne. Des capitulards. Des traîtres. Ils seront responsables de la défaite. Ils la méritent. Je voudrais les pendre tous à un croc de boucher.
Et le peuple ? Par qui veut-il être gouverné, bon sang ? Par des pauvres ? Par des médiocres, comme lui ? Avec des Swatch ? Ce peuple dont j’aime les plus bas instincts. Que je savais flatter. Ce peuple que j’ai tant fait trembler pour mieux le dominer. Comme un chien. Il n’aboie plus. Il n’obéit plus. C’est parce qu’il hait ceux qui réussissent. Il hait les riches. Ils n’aime que sa médiocrité.
Il manque de haine. Un peuple qui ne hait pas assez, c’est un peuple qui n’a plus d’ennemis. Et un peuple qui n’a plus d’ennemis, c’est un peuple qui s’amollit. Lui aussi, il m’a trahit. Je suis entouré de traîtres.
Le peuple Français ne me mérite pas. Il mérite la défaite de ma politique. Bientôt, les rouges seront là. Ils ne m’auront pas vivant. Je résisterai jusqu’à la fin, avec mes troupes, dussé-je les sacrifier jusqu’au dernier.
Jusqu’au dernier.